À L’AFFÛT DES BOUQUETINS...

8 août. Ca ronfle au décollage de Planfait (pas les parapentistes, non, le vent. Il rentre fort et de plus c’est de travers, tout ce que j’aime avec mon aile). Après de nombreuses tentatives, je décolle enfin… pour un plouf car les ailes sont scotchées devant le déco. Aucun intérêt ! Je me pose et appelle la maison, on va essayer d’aller faire un biplace au Semnoz. Mais là, c’est pareil, plus de 40 km/h de vent. Les ailes qui décollent se font littéralement arracher du sol. Trop risqué avec Camille qui est très déçue de ne pouvoir voler. Ce n’est que partie remise, ma louloute, il faut savoir patienter (pour mieux apprécier). Ca ira mieux demain, ou après demain, ou... plus tard !

9 août (demain d’hier, si vous avez suivi). Les conditions s’annoncent bien meilleures (j’ai même un petit pincement car en aile solo, on doit pouvoir faire des bornes). Ce n’est pas grave, on les fera en bi. Après un pique-nique tranquille car les ailes déjà en l’air ne montent pas beaucoup, on s’équipe avec Camille et on décolle. Il est 15h25.

Ca ne monte pas beaucoup. Il me faut batailler pendant presque une heure pour dépasser les dents de Lanfon. Là, j’hésite : Parmelan, pas Parmelan ? Bon, vu les plafonds plutôt bas (1900 m) et notre vitesse de croisière en montée, j’opte pour la Tournette. Camille acquiesce (avec elle, du moment que ça vole !). Les thermiques vont nous y emmener tranquillement. Camille aperçoit un premier bouquetin caché dans une faille, dans les falaises situées au nord du sommet (en solo, je n’en ai jamais vu dans le secteur, car trop concentré au pilotage, on n’a pas le temps de scruter tous les trous dans les rochers).

En fait, ils sont deux. On fait quelques tours dans une ascendance et on s’approche un peu plus. Super ! On reste ainsi à les regarder un moment, puis on les quitte pour se diriger vers le sommet. Camille tend son doigt : là ! Et oui, un mâle solitaire avec de superbes cornes est allongé dans l’herbe, à l’entrée d’une grotte. A notre arrivée, il tourne la tête puis nous suit du regard tout le temps qu’on passera en allers et retours devant sa cache.

Comme ça ne monte pas très fort, je reviens en arrière et encore une fois, Camille tend la main. Celui-là est tout simplement allongé sur une arête. Il se découpe superbement. On appelle Isa et Guillaume à la radio pour leur raconter nos découvertes. Une voix nous demande sèchement de laisser la fréquence libre car elle est utilisée par une école. Cause toujours mon pote, de toute façon, on ne raconte pas notre vie et apparemment il n’y a plus d’élèves en l’air (en plus il y a des Hollandais sur la fréquence – en cette saison, il y a d’ailleurs autant de Hollandais en Haute-Savoie que de bouquetins, ce n’est pas peu dire. J’ai même assez de mal à les reconnaître en vol, pas comme les bouquetins,).

Je continue de zéroter devant les falaises qui sont à la hauteur du plateau sous la base du sommet. Ca ne monte pas plus haut. On patiente. A nouveau, Camille repère des petites tâches marron qui bougent. On s’approche. En effet, il y a deux groupes séparés qui broutent tranquillement sur le plateau, pas très loin du refuge. Soudain, ça monte d’un coup. Un gros thermique s’est enfin décider à partir. On va directement au sommet. On en profite pour aller saluer les promeneurs. Camille agite une main, ils nous répondent. Je me demande chaque fois ce qu’ils peuvent bien penser en nous voyant apparaître ainsi, surgis de nulle part (envie, peur, admiration…).

On dépasse le sommet et les gens deviennent de minuscules petites tâches. 2 Semaines avant, j’étais là avec Guillaume, mais on n’avait vu aucune aile, car il était trop tôt. Guillaume nous appelle à la radio. Il s’impatiente et voudrait bien aussi profiter du voyage et observer les bouquetins. Ok, on rentre. Je passe les commandes à Camille et lui montre le chemin. On va passer par le Lanfonnet pour profiter de ses ascendances dynamiques. On se pose comme prévu à l’atterrissage de Planfait. Il est 17h25 ! 2 heures de vol. Je ne replie même pas l’aile et la bourre comme ça dans le coffre de la voiture car Isa nous a rejoints. Au passage on prend un parapentiste qui tendait le doigt pour monter. Je bourre son aile sur la mienne et roule à toute vitesse car si je veux avoir encore une chance de monter à la Tournette, il ne faut pas traîner.

Il est exactement 18h00 lorsque je redécolle avec Guillaume et là, la loi (universelle ?) qui dit que les conditions ne sont jamais les mêmes se vérifie à nouveau. Ca monte partout et c’est tout calme. Je n’ai quasiment pas besoin d’enrouler. En 30 minutes, on est au plateau de la Tournette. Comme je m’avance pour essayer de retrouver le thermique qui mène au sommet, j’entends Guillaume qui s’exclame : « une marmotte ! ».

Effectivement, elle est juchée sur un petit promontoire rocheux et sa silhouette se découpe parfaitement bien. Je m’approche un peu. Tous les deux, on est tout excité, là encore, c’est une première fois. Je la dépasse mais quand on revient, elle a filé. J’imagine le prédateur qui s’est dessiné dans sa petite tête. Je me dirige vers les falaises où on avait vu les premiers bouquetins avec Camille. Ils sont tous partis à l’exception du mâle aux grandes cornes qui est en train de brouter à l’entrée de sa grotte.

On repasse plusieurs fois devant. Guillaume est tout content. Comme il est déjà 7 heures, on a peu de chance d’aller jusqu’au sommet. Nous ne sommes plus que trois ailes dans le coin et effectivement, aucune ne monte plus haut. Je cherche un peu, par acquis de conscience. Même sur le plateau, on ne voit plus rien bouger. Les bouquetins sont partis chercher leur refuge pour la nuit. On décide de rentrer et comme avec Camille, je tire sur le Lanfonnet.

Et là, surprise, l’aile se met à descendre très vite. Le vent rentre plus fort que je ne le croyais. Avec le poids plume de mon passager (j’ai bien le lest de 10 litres, mais ce n’est pas assez pour lutter contre un vent fort). L’aile n’a pas beaucoup de vitesse. Je regarde en bas (un poser dans les sapins ne me dit rien à cette heure tardive) et essaie d’atteindre les premières pentes du lanfonnet. Ouf ! ça passe. Le vario me chante sa petite mélodie rassurante. Mais je n’avance pas vraiment. Bon, tant pis, on n’ira pas au terrain. J’appelle Isa à la radio pour lui dire qu’on va aller se vacher le long de la route qui mène au col de la Forclaz. On se pose doucement dans un champ, à la verticale à cause du vent. Il est 19h30. Beau vol, encore une fois. On replie l’aile. Des Hollandais s’arrêtent (ceux-là, je les ai reconnus à leur plaque minéralogique), ils me demandent si je parle anglais et le chemin qui mène au décollage car ils veulent voir des parapentes décoller. Isa arrive.

Vite, à la maison, ce soir, c’est barbecue (poulet mariné dans une sauce épicée au yaourt) et gratin de pommes de terre au roquefort. En plus, il faudra se coucher tôt, car demain, j'emmène mes 2 loulous pour leur première course en montagne, l'arête sud-est du Charvet, à côté de la Tournette. Du super facile pour les initier aux relais et aux manœuvres de cordes.