BELLE REPRISE

Ainsi que je l'avais prévu et comme je l'avais annoncé précédemment, je me retrouve au décollage du mont Lachat vers 11h00 du matin. Grand beau au Grand-Bo ! Du soleil partout et même pas un petit nuage de rien. J'ai pourtant scruté l'horizon dans le télécabine, rien, pas une barbule ! Serais-je trop tôt ? J'ai la réponse en arrivant au sommet. Un léger voile bleu foncé barre mon horizon légèrement au dessus de mes yeux. Malheur et damnation, une inversion (9) (la plaie des parapentistes quand il fait beau et qu'ils croient que ça va thermiquer, parce qu'avec une inversion, bernique sur le thermique) !

Bon, il suffit d'attendre, avec un peu de chance, le soleil, notre allié, va bien finir par chauffer tout ça et la débloquer. J'ai le temps d'aller « parlotter » avec un gars des remontées mécaniques qu'est venu casse-croûter au soleil, de prendre des photos des alentours et des crocus qui viennent de sortir, de casse-croûter à mon tour. Vers midi, quelques barbules se forment à l'aplomb de quelques sommets... Je vous l'avais dit.

Je me prépare et Hop, c'est parti, à 12h23 exactement (faut être exact dans la vie, sinon ça sert à quoi d'être équipé de téléphones portables, radios, varios, caméras, machines à café... si c'est pour être confus). Hop, comme hier, je file vers Charmieu, thermique, ça monte, 2200 m, génial, c'est parti mon Kiki !

Je me dirige vers le Jalouvre et là, pas comme hier, ça passe, avec en primes, quelques groupes de chamois et même un bouquetin que je surprends en arrivant sur une crête. Il est à peine à 10 m de moi et n'est pas vraiment dérangé par mon arrivée. A peine se lève-t-il, le bougre ! J'adore ! Au Jalouvre, je fais le plein (c'est super - et sans plomb à cette altitude - vous avais-je déjà dit, chers amis. Quoique, avec le nuage du volcan !).

2400 m, je vois la vie de parapentiste avec un bel optimisme et je me vois déjà à Annecy (il ne faut pas vendre la peau de l'ours... et tatati et tatata... mais bon, il est permis de rêver !). A priori, ça devrait faire. Je fonce sur le Lachat de Thônes et comme par enchantement, tout se passe comme prévu. Les thermiques sont là où il faut, ça me permet de passer le verrou dEntremont et la longue arête qui descend du Lachat.

J'ai suffisamment d'altitude pour traverser Thônes et arriver assez haut sur l'arête qui va me conduire à la Tournette. Tout ça en un peu plus d'une heure... Tu peux repasser Vincent, avec tes papillons (ouais, y’en a qui n’ont pas suivi, hein !). Je décide de faire le tour de la Tournette (tiens, ça doit être pour ça qu'elle s'appelle la Tournette), par le côté est. Mauvais choix, y'a tout plein d'arêtes à passer de ce côté, et comme je descends, je risque de ne pas pouvoir passer. Ce n'est pas grave, je fais demi-tour, un nouveau plein, et hop (et oui, hop, encore !), je me laisse glisser sur le lac et les dents de Lanfon.

Autant l'aller aura été une partie de plaisir (j'ai même réussi à filmer dans la transition du Lachat vers la Tournette), autant là, ça se gâte. Je me prends une belle frontale - fermeture de tout l'avant du parapente - (je l'ai sentie à mes commandes avant de l'entendre, car tout d'un coup, tout est devenu tout mou, plus de pression dans les commandes...), c'est surprenant mais on s'y fait. Je ferai pas mal d'autres fermetures car au-dessus du lac, le régime de nord nord-est met toute cette zone sous le vent du Lanfon. Ca turbule, ça monte, ça dégueule…, on n'arrive pas à tenir le thermique, y'a des ailes partout (j’en ai compté une petite centaine), à toutes les altitudes, impossible de savoir où est le bon coin.

J'essaie le pilier nord puisqu'il est dans le sens du vent. Ça monte un moment, puis, badaboum, rebelote vers les abîmes. C'est finalement Vincent qui me donnera la solution sans le savoir, car il est avec un nouveau groupe et je l'entends à la radio qui dit à ses stagiaires de tenir le thermique sous le Lanfonet.

J'y cours, vole, ça me démange ! La remontée est turbulente mais je finis par dépasser la crête. Je commence à croire que le retour sera possible (j’ai quand même bataillé une bonne heure dans ce secteur). Il me faudra encore batailler un moment pour pouvoir remonter à la Tournette, car c’est assez agité. A la Tournette, j’hésite : suis-je assez haut, de quel côté vais-je aller errer ? Mais c’est bien sûr, ma bonne dame, par les versants ouest. Je suis venu le matin par les versants est, je vais repartir par les côtés opposés, puisque nous avons dépassé le midi solaire.

Je chemine tranquillement légèrement au-dessus de l’arête de la Tournette, puis celle du Lachat de Thônes (je passe assez facilement la ville et ça remonte pile au moment où j’atteins l’arête en face). C’est du tout cuit. A plusieurs reprises, je passe sous l’arête mais à chaque fois, la chance me sourit et je trouve le thermique salvateur. C’est parfois un peu agité et quelques belles fermetures me rappellent qu’il faut rester vigilant jusqu’au bout. Un dernier coucou à Charmieu et je plonge avec volupté sur le village du Grand-Bornand. Il est 16h40 (précise), j'ai les pieds gelés mais la tête en ébullition.

La boucle est bouclée ! Un des plus grands plaisirs du vol libre, se reposer d’où on est parti, surtout si entre-temps on a avalé quelques dizaines de km ! En arrivant à la maison, je passe un message à Vincent pour lui montrer que je suis bon élève (et du coup qu’il est bon professeur, je vous le conseille si vous voulez vous mettre au parapente !).

Prochaine étape : passer les 100 km. Je vous tiendrai au courant.

(9) Inversion (couche d’) : la météo fonctionne avec quelques lois physiques simples. Par exemple, l’air chaud monte et se refroidit en s'élevant ; ... C’est pour ça qu’on arrive à remonter en parapente. On profite des ascendances, c’est-à-dire des bulles d’air plus chaud qui s’élèvent parce qu’elles se trouvent dans un air ambiant plus froid. Une couche inversion est une couche d’air plus chaud ; elle fonctionne comme un couvercle et bloque tout ce qui est en dessous (les thermiques – donc les parapentistes - mais aussi les gaz polluants, les fumées Vous avez déjà dû voir et sentir ce phénomène qui arrive de plus en plus fréquemment dans nos villes).

(10) sous le vent : quand un vent ou une brise arrive sur un obstacle, genre montagne, il glisse dessus et s’élève. Du côté d’où vient le vent – dans le vent – le flux est régulier, mais de l’autre côté – sous le vent – il se forme de fortes turbulences, proportionnelles à la vitesse du vent. Il est fortement déconseillé d’aller traîner dans les thermiques sous le vents, car s’ils sont plus forts, ils sont aussi agrémentés de ces turbulences, de cisaillements… et peuvent nous mettre au tapis.