LAURENCE
Mon Bel Amour
Tu m’as dit à plusieurs reprises que tu n’avais pas peur de mourir, juste de ne plus communiquer. Finalement, on ne s’est pas mal débrouillés mais je reconnais que tu en as bavé. Quand je ne comprenais pas quelque chose, tu avais cette petite phrase, en faisant cette petite mimique, si singulière : « Bon, c’est pas grave ! » Il y a juste la fois où je n’ai pas réussi à comprendre que tu étais angoissée à l’idée que ta nièce Mila ne puisse partir faire son voyage s’il t’arrivait quelque chose. Heureusement, Emmanuelle ton « ex-belle sœur préférée », t’a décodé le lendemain et cela t’a rassurée et apaisée.
Tu t’es bagarrée avec un courage exceptionnel et ça n’a pas été toujours facile pour toi. On a eu des moments de doute, de découragement, de tristesse, de colère mais aussi de joie, de complicité et beaucoup de petits bonheurs : nos balades en fauteuil roulant le long du Calavon, les pizzas du mardi soir, notre petit tour au marché le samedi matin avec un petit café / croissant aux Valseuses, le petit apéro du soir, les amis qui passaient…
En fait, ce qui t’inquiétait, c’était de me laisser tout seul car tu disais que je risquais de faire des « conneries ». D’ailleurs, depuis quelques temps, tu disais des gros mots, ce qui n’était pas franchement dans tes habitudes et ça te faisait rire car c’était les seuls mots qui venaient. Bon d’abord, j’ai pas attendu sur toi pour les faire, mes conneries, mais tu remarqueras que j’ai fait des efforts depuis quelques temps : je mets les pinces à linge au bon endroit sur une couture pour qu’il n’y ait pas de marque, je ne mets plus de blanc dans une lessive de noir. Bon cette semaine, j’ai mis ensemble un drap blanc et un jaune ; le blanc est devenu jaune… mais là, reconnais que tu ne me l’avais pas dit. J’ai pris l’habitude, grâce à toi, de cuisiner aussi des légumes, pas que des côtes de boeuf ou des merguez. Pour les conneries, Je continuerai quand même à en faire car sinon, ce ne serait plus moi. Je continuerai à passer l’aspirateur en faisant le tour des obstacles, je continuerai de raconter mon histoire de l’ours et du lapin à ma manière comme tu n’aimais pas trop, je continuerai à dire des trucs trash, des gros mots, à faire exprès d’écrire avec des fautes, à diviser le monde en 2 catégories, à me perdre en voiture… et à boire du rhum…
Tu as tenu le coup avec beaucoup de courage et tu as fait l’admiration de tout le monde : une leçon de vie, nous a-t-on dit. Une leçon pour la mort dirais-je. On a ri, on a pleuré, on a plaisanté, on a dansé (euh, pas moi, y’a des limites quand même !), on a un peu picolé… Souvent, quand les larmes te montaient aux yeux, tu disais : « tu sais c’est juste de l’émotion ». Aujourd’hui, c’est pas que de l’émotion qui mouille nos yeux.
Mon bel Amour, nous avons partagé 12 années de bonheur magnifique. Notre projet du Luberon devait nous emmener main dans la main, encore quelques dizaines d’années. On riait quand on s’imaginait tout vieux, tout ridés, mais toujours amoureux. D’ailleurs tu parlais souvent de moi en disant « mon amoureux ». Tu as choisi une chanson pour moi : « lo eres todo » de Luz Cazal. « Tu es tout ». Toi aussi « tu es tout » mi Amor ! A nous deux on fait 2 « tout », et c’est beaucoup beaucoup.
Mon Bel Amour, tu es maintenant libérée de toute souffrance et tu peux partir apaisée. Tu retrouveras Blandine, Florent et tant d’autres, peut-être aussi le batteur fou qu’était Guigui. Son château dans le ciel doit être fini depuis le temps. Tu sauras certainement lui faire respecter la mesure et à vous tous, vous ferez danser les étoiles.
Je ne serai pas seul car tu es dans mon cœur à jamais. Je te retrouverai dans les nuages, dans le vent, la pluie, dans le chant des oiseaux, dans les couchers de soleil que nous avons si souvent admirés... Pour toi, je tiendrai debout.
Pour ta beauté, ta lumière, ta douceur, ta joie de vivre, tes yeux rieurs et ton sourire magnifique… je t’aime pour l’éternité !